Marion Plumet
Dans toutes les maisons, les femmes
Dans toutes les maisons les femmes est une installation visuelle et sonore composée d’une dizaine de maisons miniatures, des maisons un peu étranges, des maisons qui discutent... Chacune aura une voix et racontera une histoire de violence intra-familial, la sienne. Présentée en cercle sur des socles individuels, fenêtres tournées vers le centre, elles se regarderont et c’est entre elles qu’elles échangeront leur récit.
C’est majoritairement au sein même de la famille et du foyer que les violences masculines contre les femmes et les enfants s’exercent. Ce lieu du foyer, largement sacralisé, majoritairement pensé comme un abri, s’avère pourtant pour un grand nombre de femmes et d’enfants le lieu "le plus dangereux".
L’endroit où elles habitent, leur maison, c’est là que les femmes sont le plus insultées. C’est là aussi qu’elles sont le plus frappées. C’est là qu’elles sont le plus violées. C’est là encore qu’elles sont le plus tuées.
Mon expérience d’accueil et d’accompagnement confirme tristement cet état de fait. Entre Brest et Morlaix, en 10 ans, j’ai vu 6 femmes mourir à la suite de violences conjugales. Ce sont précisément mes années d’accueil au sein d’associations féministes qui m’ont amené à m’interroger sur cette intouchable famille et à imaginer ce projet Dans toutes les maisons les femmes.
Les témoignages
Les récits racontés par ces femmes-maisons ont été écrits à partir de témoignages de femmes de mon entourage. A part pour l’un d’entre eux relaté dans le journal, ces témoignages m’ont été livrés pour le projet, à l’oral ou à l’écrit. Formellement, je les ai entièrement retravaillés tout en en gardant l’essence, le fond, la réalité de l’action. Chaque texte retrace une situation précise, un épisode relativement court de la vie de ces femmes. Ils sont écrits à la première personne, au présent et sont très descriptifs. Ils n’entrent pas dans les sentiments des narratrices.
Pour le moment, j’ai recueilli et retravaillé 8 témoignages mais ce chiffre pourra grossir au fil des mois, des années, en fonction des rencontres et des projets.
Pour lire ces textes, c'est par ici !
L’audio
Bien que chaque maison aura un ton bien à elle, pour appuyer l’idée que les violences masculines sont universelles et qu’elles peuvent nous arriver à toutes, l’ensemble des textes seront dits par une seule et même voix. Pour se faire, je travaillerai avec une comédienne professionnelle.
Un lien vers des essais audios réalisés durant une résidence sur l’île Wrach. Il s’agissait d’une 1ère « mise en bouche » et la qualité audio reste à désirer. https://marionplum.wixsite.com/marionplumet/son-maisons-femmes
Techniquement
Je construis ces maisons de bout en bout. Leur taille maximum sera d’environ 50x50x70 cm. Toutes seront en bois, de formes légèrement différentes et toutes disposeront d’une seule et unique fenêtre, pas de porte, pas d’autre ouverture.
Le processus de création des maisons est long. Je pars de morceaux de bois brut que je découpe, dégauchi, rabote, ponces, brûle... pour en faire des petites briques et. ardoises que j’assemble ensuite créer des murs et des toitures. J’aurais bien sûr pu aller beaucoup plus vite, en dressant les murs d’un seul bloc par exemple. J’ai décidé au contraire de prendre mon temps, et de construire ces maisons de bout en bout, pierre après pierre, et ce, pour symboliser le fait que les violences masculines contre les femmes ne sont pas naturelles. Comme ces maisons, les rapports de domination sont construits socialement, de bout en bout, pierre après pierre... Et cela depuis le plus jeune âge. Les hommes violents ne sont pas naturellement des brutes et des agresseurs. Les femmes victimes ne sont pas naturellement des faibles et des proies. Les histoires bien réelles racontées par ces maisons sont le résultat de constructions sociales patriarcales.
On continue à habiller nos fillettes en rose parce qu’elles aimes ça, à leur offrir des journaux intimes pour qu’elles développent leurs sentiments intérieurs, des déguisements de princesse pour qu’elles croient au prince charmant, des mini-cuisinières en plastique rose et même des chariot de ménage pour faire comme maman. On continue à offrir à nos garçons des déguisements de cosmonaute et d’aventurier pour qu’ils comprennent qu’il existe un ailleurs, des mallettes à outils Smoby, Facom, Black et Decker, Stanley ou Bosch pour faire comme papa, et des pistolets en plastique pour... développer leur sens guerrier sûrement ? Ça commence là. Ça commence là et puis ça continue, tout au long de la vie.
Programmation
Comme dit plus haut, à chaque fois qu’une maison prendra la parole, une lumière s’allumera en elle, comme un feu vital qu’on distinguera au travers de sa fenêtre. En ce qui concerne ce travail de programmation, tout est à faire et je n’y connais rien. Il me faudra donc trouver des appuis et partenariat. Pour ce faire, j’ai deux options et pour chacune d’ors et déjà des pistes. La première serait tout simplement de confier ce travail à un sous-traitant. La seconde, de travailler en partenariat avec des étudiants en informatique par exemple ou avec un fablab.
Chronologie
Dans toutes les maisons les femmes est un projet que j’ai entamé au début de l’année 2020 avec le recueil des témoignages et la réécriture de ces derniers.
Puis, en septembre 2020, j’ai réalisé l’ensemble des pièces nécessaires à la constructions des murs de 7 maisons.
En octobre 2020, j’ai été accueillie deux semaines en résidence de création sur l’île Wrach. J’y ai d’une part construit une première maison et d’autre part réalisé une série d’enregistrement de l’ensemble des textes avec la comédienne Louise Forlodou. Nous n’avions pas de matériel d’enregistrement professionnel, l’idée était donc d’oraliser ces textes une première fois et non d’enregistrements définitifs.
J’ai ensuite décidé de mettre ce travail en pause, non pas par manque de confiance en celui-ci, au contraire, mais parce que je souhaitais trouver des financements et/ou partenariats pour le prolonger, les premières étapes ayant été entièrement auto-financées. J’ai donc postulé au sein de plusieurs programmes de résidence. De plus, je n'avais plus d'atelier à l'époque et ce projet nécessitait d'avoir un minimum de place pour travailler.
Sans retours positifs des demandes de résidences mais avec un nouvel atelier, j'ai finalement décidé de m'y remettre sans financement. C’est ainsi que 3 années après le début de ce projet, je le ressors du placard...
En mars 2023, la compagnie Transtopie implantée à Alençon m’a proposée de s’emparer des textes de ce projet pour une lecture en public lors du vernissage de mon exposition Haut le(s) coeur(s) sur le campus universitaire du Mans.
Aujourd’hui, une première maison est achevée, les autres sont en construction. Reste le travail théâtral, l’enregistrement des textes avec une comédienne, la création de l’installation sonore et lumineuse avec une partie programmation et enfin, la construction des socles individuels, à priori en métal.